Schopenhauer : l’art peut-il nous consoler ?

Entretien avec Michel Guérin, écrivain et professeur de philosophie.
Pour le philosophe Schopenhauer, la vie est mauvaise, elle oscille comme un pendule passant de la souffrance du désir à l’ennui. Ce qui peut nous en consoler ? L'art, qui nous fait échapper à cette mécanique aveugle...
Il faut imaginer Arthur Schopenhauer, né en 1788, fâché avec sa mère à qui il reproche tout... Elle finira par le déshériter, et solitaire, les cheveux hirsutes, il ressemble à un chat sauvage, dira Wagner, en apercevant le philosophe ébouriffé se promener avec Atma, son chien, d’abord un caniche, puis un épagneul, mais qui s’appellera toujours Atma (l’âme du monde, en sanskrit).
Il faut l’imaginer seul, toujours, se promenant en ville vêtu d’un smoking, déplorant l’absence de vente de son ouvrage philosophique majeur : Le monde comme volonté et comme représentation, regrettant que le succès triomphal de Hegel, au même moment, et dans la même université, ne voue son travail et sa carrière à l’oubli... somme toute bien relatif.
Il faut imaginer sa plume incisive, parfois odieuse, souvent drôle, louée par Nietzsche puis 200 ans plus tard par Clément Rosset, puis Michel Houellebecq.
Il faut imaginer Schopenhauer seul, mais pas insensible à la jouissance, ni à la joie, encore moins à la musique, à laquelle il consacre des pages magnifiques.
- Michel Guérin : "Schopenhauer est quelqu’un qui pense à la fois que la vie est une souffrance et par conséquent un mal, et qui s'accommode personnellement de ce mal. Il aimait beaucoup les grands restaurants, il ne dédaignait pas toutes les formes de jouissance. Pour lui, la vie est une entreprise qui ne couvre pas ses frais. La vie passe tout son temps à lutter pour s’empêcher de mourir ! Mais tout ça ne mène à rien, une fois que le désir a été assouvi, c’est l’ennui qui lui succède… La vie oscille donc comme un pendule, de droite à gauche, passant de la souffrance, du désir, à l’ennui. La vie est mauvaise, et l’art est là pour nous consoler, non pas pour nous apporter une consolation toute positive, c’est un palliatif, il est là pour nous consoler de la vie en échappant à cette mécanique aveugle, cet instinct qui fait que nous sommes au service de l’espèce".

Пікірлер: 1

  • @karistkarist7898
    @karistkarist7898Ай бұрын

    Ah ! Quelle belle leçon ! Quelle clarté de l’explicitation dans d’une pensée difficile qui devient pas à pas LUMINEUSE ! MERCI!